Pourquoi « Jean-du-Sud » ?

On me demande souvent pourquoi  j’ai nommé mon bateau Jean-du-Sud.
Un petit poème qui sert d’avant-propos au livre Jean-du-Sud et l’Oizo-Magick
répond à la question.

Vous décrire en détail le pourquoi, le comment
La motivation profonde, la raison principale
Sur des mots quotidiens, de la prose ordinaire?

Bien difficile : l’essentiel s’explique mal.
Mais sur l’aile d’un poème on pourrait l’évoquer
(C’est connu : mots comptés expriment davantage).

Quel bonheur d’en avoir trouvé un tout écrit
Et qui convient parfaitement à cet usage.
Depuis quinze ans, je sais qu’il est écrit pour moi !

On y voit le travail d’un poète authentique.
Regardez : les vers sont mesurés, césurés,
Rimés (rimes alternant : masculines, féminines).
Strophes égales... De la graine de classique !

C’est Jean-du-Sud, paroles de Gilles Vigneault
(Sur son père, avoue-t-il, il aurait pris modèle,
Son père « qui était pêcheur de son état »).

Quand Jean-du-Sud s’était mis dans la tête
D’aller chasser sur l’île Anticosti
Le swell dans l’large annonçait un’ tempête
Mais Jean-du-Sud était déjà parti 
Appareille...
Mets deux ris dans la voile
On march’ra sur les étoiles...
De mer !


Quand Jean-du-Sud est v’nu s’mouiller dans l’large
Tout le monde savait qu’il n’avait pas d’poisson
Qui pouvait faire autant caler sa barge.
Les femm’s disaient qu’il avait d’la boisson.
Dans la baie...
Y’a du rhum d’la Jamaïque
Des gallons p’is des barriques
De vin !

Quand Jean-du-Sud se mêlait d’fair’ la pêche,
I’s’en allait sur les bancs d’Mosquaro.
Avait-i’ l’goût d’manger d’la morue fraîche :
Chargeait toujours jusqu’au dernier carreau.
La voil’ roug’...
S’en vient sur sa misaine
Est icitt’ pour un’dizaine
De jours !


Pour évoquer encore mieux l’essentiel
J’oserai insérer entre les strophes
Quelques vers de mon cru.
Vous les reconnaîtrez à ceci : ils sont libres.
(Quoi ! Je ne me sens pas encore assez poète
Pour écrire des rimes !)


Quand Jean-du-Sud disait : « La mer est grande ! »
Dans ses yeux bleus y’avait comme un matin
Parc’qu’i’faisait aussi la contrebande
Des illusions de paradis lointain...
Capitaine...
Méfie-toi des mirages
Des bateaux sur les nuages...
Dans l’ciel !


Capitaine...
Méfie-toi des mirages :
Seul en mer, plus personne à tromper !
Ce paradis lointain est-il une illusion,
Ou faudra-t-il aller aussi loin le chercher
Au fin fond de toi-même?


Quand Jean-du-Sud nous contait ses voyages,
On avait l’impression d’êt’ ses mat’lots
I’nous parlait en r’gardant les nuages
Qui dessinaient des îl’s nouvell’s dans l’eau
Serr’ l’écoute...
Sur les hauts-fonds ça casse
Faut dériver dans la passe...
Du nord.

Mais oui ! Bien sûr ! Si je contais ce long voyage,
Je prendrais à mon bord autant de matelots
Qu’il y a d’êtres que j’aime et qui m’aiment aussi !


Était tout seul à bord de son Mât d’hune
(C’était comm’ça qu’on app’lait son voilier.)
Il n’était pas rendu l’aut’bord d’la dune
P’is on l’pensait à l’anse aux Madriers.
Capitaine...
A la voile et aux cordages
Il était son équipage...
Tout seul !


Tout seul !
Et c’est vrai : la mer est grande !
Si je veux équipage avec moi nuit et jour
Suffira de le dire à vous tous, mes amours !